Dès mars ou avril prochain, les producteurs de betterave pourront planter des semences enrobées de néonicotinoïdes

 
     
 
 

Chère amie, cher ami,

D’ici quelques mois, entre mi-mars et mi-avril, les producteurs français de betterave à sucre pourront de nouveau semer dans leurs champs des graines enrobées avec des substances notoirement nocives pour les abeilles et les autres pollinisateurs - les pesticides néonicotinoïdes.

Au fur et à mesure que la betterave grandira, ses feuilles sécrèteront le produit pour foudroyer instantanément les éventuels insectes considérés comme ravageurs de cette grande culture industrielle, tandis que 80 % du produit sera lessivé dans les sols, où il pourra être retrouvé jusqu’à 3 ans plus tard, contaminant les cultures suivantes. (1)

Une étude menée en France par le CNRS et l’INRAE entre 2014 et 2018 a montré qu’un néonicotinoïde commun – l’imidaclopride, qui figure parmi les substances qui seront bientôt de nouveau utilisées en France  – se diffuse à grande échelle dans l’environnement et contamine également les cultures plantées en dehors du voisinage immédiat. (2)

Alors que plus de 1 100 études scientifiques à travers le monde alertent sur le rôle indéniable de ces substances dans le déclin des pollinisateurs ces vingt dernières années, dans la pollution des sols, des eaux des rivières et des nappes phréatiques…(3)

… et alors même que plus de 40 % des insectes sont menacés d'extinction (4), que plus de la moitié des espèces d'abeilles sauvages sont en déclin dans les pays européens étudiés (5), et que même le Forum économique mondial a classé la perte de la biodiversité parmi les cinq plus grandes menaces auxquelles nous devons faire face... (6)

… nos dirigeants s’apprêtent à sacrifier notre environnement et notre avenir alimentaire à tous, non pas pour « sauver la filière sucre », comme ils le répètent pour donner une légitimité à ce massacre en règle de millions de pollinisateurs...

…uniquement pour sauvegarder les chiffres d’affaires et les profits immédiats des industries agrochimiques !

La filière sucre n’est pas aux abois à cause des pucerons : ce sont des problèmes de fond structurels qui laminent les planteurs de betterave : la fin des quotas européens, la dérégulation du marché et la concurrence du sucre mondial, couplées aux années de sécheresse qui s’accumulent... (7)

Dès le début de cette affaire, l’étude d’impact sur laquelle se basait la proposition de dérogation pour permettre l’usage des néonicotinoïdes tueurs d’abeilles sur certaines cultures comme la betterave faisait l’impasse sur les conséquences environnementales, ne considérant que les aspects économiques et financiers. Associés à une trentaine d’autres organisations, nous avons fait front commun pour convaincre députés et sénateurs de ne pas voter ces dérogations.

Nous leur avons fourni des argumentaires détaillés, organisé une action de pression directe par plus de 140 000 électeurs, diffusé l’appel d’une ancienne résistante et manifesté sur l’esplanade des Invalides.

En dépit des preuves dévoilant les mensonges et chiffres truqués mis en avant par l’agri-business pour obtenir le retour des tueurs d’abeilles, et malgré les solutions des agronomes et des agriculteurs pour se passer de néonicotinoïdes que nous avons mis en lumière, une majorité de députés et de sénateurs a préféré sauvegarder les profits des multinationales agrochimiques plutôt que de préserver les pollinisateurs et leurs indispensables services de pollinisation et de reproduction de plus de 75 % des plantes cultivées.

Une poignée d’entre eux a émis un recours au Conseil constitutionnel, qui a été débouté un mois plus tard. 

Désormais, alors même que la Cour des comptes européenne (8) met en cause les dérogations à l’interdiction des néonicotinoïdes tueurs d’abeilles qui se multiplient dans les pays européens, et que l’EFSA, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, a démarré une enquête sur le bien-fondé des dérogations dans certains pays dont la France…

… le ministère de l’Agriculture prépare un projet d’arrêté pour permettre aux producteurs de betteraves de planter, dès mars ou avril prochain, des semences enrobées de thiaméthoxam ou d’imidaclopride – deux dangereux néonicotinoïdes interdits en France et dans l’Union européenne.

Ultime recours avant le retour dans les champs de ces tueurs d’abeilles confirmés : la consultation publique organisée par le ministère avant la promulgation de cet arrêté funeste.

POLLINIS, en tant qu’ONG, y a participé – vous pouvez lire notre commentaire ici.

En tant que citoyen, vous pouvez également ajouter votre voix à cette consultation, pour exprimer votre désaccord avec les dérogations qui permettront le retour dans nos champs de pesticides responsables de plus de vingt ans de massacre des abeilles et des pollinisateurs sauvages !

Cliquez ici pour accéder à la consultation sur le site du ministère de l’Agriculture

Attention toutefois : le site est probablement doté d’un algorithme qui reconnaît les copier/coller et les élimine. Pour participer, vous devrez utiliser vos propres mots. 

Pour vous aider, nous avons listé quelques arguments dont vous pouvez vous inspirer pour formuler votre commentaire :

➔ Les pollinisateurs sauvages, qui se nourrissent de végétaux et dont beaucoup nichent dans les sols (70 % des abeilles sauvages), vont être particulièrement exposés aux néonicotinoïdes, même en l’absence d’une culture mellifère lors des rotations suivantes.
  • La pollinisation assurée par les insectes pollinisateurs est nécessaire à la reproduction de 75 % des espèces cultivées. Alors que 80 % de la biomasse des insectes volants a disparu d’Europe en moins de trente ans, la sauvegarde de ces insectes essentiels à la souveraineté alimentaire doit être une priorité absolue.
  • Le développement de l’agriculture biologique et la sortie des pesticides de synthèse sont indispensables pour leur assurer un environnement sain.
  • Répandre des néonicotinoïdes sur plus de 400 000 hectares de surfaces plantées en betterave va contaminer durablement les sols, les eaux, et l’ensemble de l’environnement avec ces molécules, affectant les lieux de vie et les sources d’alimentation de ces insectes. C’est une grave menace pour les pollinisateurs domestiques et sauvages, et une mise en péril de notre sécurité alimentaire.
➔ Aucune mesure d’atténuation des risques ne permet de préserver les pollinisateurs des néonicotinoïdes étant donné la persistance et la rémanence de ces molécules, et leur diffusion dans l’environnement.
  • Une étude menée en France par le CNRS et l’INRAE entre 2014 et 2018 a montré que l’imidaclopride se diffuse à grande échelle dans l’environnement et contamine également les cultures plantées en dehors du voisinage immédiat ou plusieurs années après l’application de l’insecticide.
➔ Il est impossible de circonscrire et d’atténuer les risques que représentent les néonicotinoïdes. Les néonicotinoïdes menacent l’ensemble de la chaîne alimentaire, des vers de terre aux oiseaux. Ils mettent en danger le fonctionnement et la résilience des écosystèmes.
  • En enrobage de semence, seuls 1,6 à 20 % de la matière active est réellement absorbée par la plante, et plus de 80 % se répand dans l’environnement.
  • La contamination des milieux par les néonicotinoïdes n’a pas seulement un impact dramatique sur les abeilles et les pollinisateurs. Ces substances « à large spectre » ciblent tous les arthropodes sans distinction, y compris ceux bénéfiques aux cultures...
  • Les effets létaux et sublétaux de ces substances ont été mis en évidence par des études scientifiques sur un grand nombre de micro-organismes, d’invertébrés et de vertébrés terrestres et aquatiques.

Des solutions économiques (réorientation des aides à l’agriculture, mise en place d’assurance mutualisée en cas de mauvaise récolte…) et agronomiques existent pour éviter de recourir aux néonicotinoïdes, et offrent déjà des alternatives reconnues.

  • Dans un bilan réalisé en 2017, l’Anses avait identifié des alternatives chimiques et non chimiques suffisamment efficaces et opérationnelles pour une majorité des usages.
  • Les principes de la lutte intégrée (IPM en anglais) contre les ravageurs sont également disponibles, comme la diversification des cultures et l’allongement des rotations, et le décalage des dates de semis.
  • Les approches agroécologiques pour rétablir la biodiversité (arrêt de la monoculture, restauration du bocage, etc.) permettent une meilleure régulation des ravageurs tels que les pucerons en ramenant leurs prédateurs naturels dans leurs environnements. Il existe donc des moyens raisonnables autres que les néonicotinoïdes pour maîtriser la présence de pucerons vecteurs de la jaunisse.

L’usage de néonicotinoïdes en enrobage de semence est une démarche de traitement préventif systématique et non une démarche curative, ce qui va à l’encontre du plan Écophyto et de la Directive européenne 2009/128/CE qui prévoit que les pesticides ne doivent être utilisés qu’en tout dernier recours. Et ce uniquement en cas d’attaque avérée et après avoir tenté une combinaison de mesures (biologiques, biotechnologiques, physiques, culturales...), et en limitant toujours l’usage au strict nécessaire.

  • Traiter de manière préventive, dans l’hypothèse qu’une prolifération de pucerons advienne, contrevient à ces principes.

Contaminer des centaines de milliers d’hectares avec des pesticides neurotoxiques et persistants pour tenter de sauver une filière qui connaît une crise structurelle est une mesure absurde et une mise en danger de la souveraineté alimentaire.

  • Dérégulation du marché et sécheresses répétées sont les causes réelles des difficultés du secteur sucre. Depuis 3 ans, la filière fait face à des problèmes structurels liés à la fin des quotas et à la concurrence du sucre mondial.

Contaminer des centaines de milliers d’hectares avec des néonicotinoïdes, pesticides neurotoxiques et persistants, n’est pas une réponse au changement climatique en cours.

  • Alors que les épisodes de sécheresse sont amenés à être plus fréquents, tout comme la prolifération d’espèces nuisibles induite par le réchauffement, il est urgent de mettre en place un plan de transition agricole, sur un modèle agroécologique durable et résilient, avec des solutions agronomiques adaptées et des cultures adéquates, pour préserver les ressources en eau, la santé des sols et des auxiliaires. La solution chimique de court-terme est un désastre et une aberration.

Ne tardez pas : la consultation publique se termine le 25 janvier !

Merci pour votre engagement, et votre détermination à empêcher que les abeilles et les autres pollinisateurs soient sacrifiés, et avec eux tout l’écosystème qui permet notre sécurité alimentaire, pour gonfler les profits des actionnaires de l’agro-industrie. Nous devons être les plus nombreux possible à montrer que les citoyens ne sont pas dupes des manœuvres du gouvernement et de l’agrochimie. 

Bien cordialement,

L’équipe de POLLINIS

JE PARTICIPE À LA CONSULTATION PUBLIQUE
SUR LE SITE DU MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE

 


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Références :

  1. Bonmatin, J., Giorio, C., Girolami, V. et al. Environmental fate and exposure; neonicotinoids and fipronil. Environ Sci Pollut Res 22, 35–67 (2015).
  2. Néonicotinoïdes : malgré le moratoire de l'UE, un risque persiste pour les abeilles, CNRS 27/11/2019.
  3. Task Force on Systemic Pesticides. Worldwide integrated assessment of the impacts of systemic pesticides on biodiversity and ecosystems. Special issue of the Springer journal Environmental Science and Pollution Research (2015).
  4. Sánchez-Bayo, F., Wyckhuys, K.A.G, Worldwide decline of the entomofauna: A review of its drivers, Biological Conservation 232, 8-27 (2019).
  5. Insect Atlas 2020, Heinrich Böll Stiftung & Friends of the Earth.
  6. World Economic Forum, “The Global Risks Report 2020”, 15th Edition, 15 January 2020.
  7. « La crise que connaît actuellement la filière betterave-sucre-éthanol est sans précédent » précisait déjà la Confédération Générale des planteurs de Betterave en février 2019. Après l'annonce de Saint-Louis Sucre, Cristal Union va fermer deux sucreries. Terre-net, 18/04/2019.
  8. L'action de l'Union européenne en faveur des pollinisateurs sauvages n'a eu que peu d'effets sur leur déclin, estime la Cour des comptes européenne - Communiqué de presse 09/07/2020.
 
 
     
 

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