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Pollinisateurs / Protection juridique de Groix

Sur Groix, une étude sur les abeilles sauvages recense 88 espèces différentes

Depuis 2020, l’écologue Violette Le Féon recense les espèces d’abeilles sauvages présentes sur l’île de Groix, au large des côtes bretonnes. Les résultats de l’étude financée par POLLINIS et l’ASAN.GX font état de 88 espèces identifiées dans cet environnement préservé, dont 14 n’avaient jamais été recensées auparavant dans le Morbihan.

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Date : 17 janvier 2023

Connue pour ses abeilles noires particulièrement robustes et préservées de l’hybridation, l’île de Groix, située au large des côtes bretonnes, abrite également une diversité remarquable d’abeilles sauvages. 

C’est ce que met en évidence le rapport de l’écologue Violette Le Féon, mandatée en 2020 par le conservatoire d’abeilles noires ASAN.GX et POLLINIS pour mener un premier recensement des espèces d’abeilles sauvages présentes à Groix.

Cet inventaire, visant à mieux évaluer la diversité des pollinisateurs sur l’île et comprendre l’influence de l’habitat sur leur préservation, a permis l’identification de 88 espèces à Groix – parmi le millier d’espèces connues en France –, dont 14 n’avaient jamais été recensées auparavant dans le Morbihan. 

Dans la lignée des recherches menées à Belle-Île-en-Mer (Garrin, 2018), Ouessant (Garrin, 2019) et sur l’archipel Houat-Hoëdic (Le Féon et al., 2018), la comparaison des faunes des différentes îles présente des intérêts théoriques – comme la mesure de l’influence de l’éloignement du continent sur les abeilles – et pourrait à terme aiguiller les politiques insulaires de protection de ces pollinisateurs.

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Site de collecte des abeilles sauvages, situé dans la Réserve Naturelle Nationale François Le Bail. © Violette Le Féon

Un inventaire « qui montre la richesse des espèces d’abeilles sur l’île »

Les données nécessaires à cet inventaire ont d’abord été recueillies via des collectes, réalisées entre juillet 2020 et juillet 2022, et à différentes périodes de l’année pour correspondre aux périodes de vol propres à chaque espèce. 

49 points de l’île avaient été sélectionnés à cet effet, d’une part au sein de la Réserve Naturelle Nationale François Le Bail (gérée par l’association Bretagne Vivante) et d’autre part dans des zones anthropisées (jardins, bords de route…). 

« Il n’y avait presque aucune donnée relative aux abeilles sauvages de l’île de Groix, commente Violette Le Féon. C’est pour cela que c’était très intéressant de diversifier les habitats prospectés, dans les endroits les plus préservés d’abord et, ensuite, grâce à l’aide de Christian Bargain, le président de l’ASAN.GX, dans des terrains privés comme des jardins ou des potagers. »

En croisant les résultats de ces collectes avec des données antérieures (disponibles sur différents forums comme celui des naturalistes de l’ouest de l’association Bretagne Vivante, ou encore sur le portail de données de l’Inventaire National du Patrimoine Naturel, OpenObs) et d’un projet de sciences participatives, ce premier état des lieux a permis l’identification de 88 espèces d’abeilles sauvages sur l’île de Groix, qui compte donc au moins 89 espèces d’abeilles en incluant Apis mellifera mellifera.

« Ce n’est pas un nombre définitif, explique l’écologue, mais cela montre la richesse des espèces d’abeilles sur l’île. Plusieurs raisons l’expliquent : l’abondance et la richesse des ressources floristiques (ndlr : nectar et pollen), la préservation des habitats, une pollution moindre par rapport au continent, et un climat relativement favorable aux abeilles, plus chaud et sec qu’en Bretagne continentale ».

14 espèces jamais recensées dans le Morbihan

Pour Violette Le Féon, « dans un contexte insulaire, sur un territoire relativement petit et éloigné de 5 kilomètres du continent, on aurait pu s’attendre à une faune plutôt banale. Ce n’est pas le cas. L’inventaire de Groix vient confirmer un enseignement des recherches sur l’archipel Houat-Hoedic : il y a une grande richesse à préserver ».

Parmi les espèces identifiées figure notamment Colletes fodiens, une espèce dont la population décroît en Europe et classifiée comme vulnérable par l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature). Une classification basée sur cinq critères qualitatifs (taux de déclin, taille de la population, répartition géographique…), qui la fait entrer dans la catégorie des espèces menacées.

Stelis breviuscula, une abeille cleptoparasite – qui pond dans le nid d’autres espèces d’abeilles –, n’avait pour sa part jamais été recensée en Bretagne avant cette étude. De même deux espèces d’abeilles solitaires du genre Lasioglossum, et une espèce du genre Sphecodes, apparaissent comme des premières mentions dans le Massif armoricain. Si l’on compare les données obtenues avec celles existantes pour le territoire (synthèse publiée en 2018 par l’Observatoire des Abeilles), ce sont au total 14 espèces qui n’avaient jamais été recensées auparavant dans le Morbihan.

A noter également, la collecte de 2 spécimens de Megachile lagopoda, une abeille solitaire se nourrissant de beaucoup de nectar et de pollen, et dont la présence témoigne de la richesse floristique de l’île.

L’espèce d’abeille sauvage la plus observée est la collète lapin (Colletes cunicularius), active au début du printemps, dont les poils bruns recouvrent la tête, le thorax et l’abdomen. Elle doit son nom scientifique à la forme de son nid, creusé dans le sable, qui n’est pas sans rappeler le terrier d’un lapin (Oryctolagus cuniculus). 

Plusieurs autres espèces peuvent être considérées comme communes à Groix, comme le bourdon des champs (Bombus pascuorum), au pelage ébouriffé, jaune sur l’abdomen et roux sur le thorax.

Un inventaire pertinent aux niveaux local, régional et national

Si la répartition d’autres insectes, comme les papillons de jour, est aujourd’hui bien connue, ce n’est pas le cas pour les abeilles. Alors que s’élabore la première liste rouge des abeilles sauvages de France, « [cette] étude financée par POLLINIS et l’ASAN.GX constitue un apport de connaissances important », précise Violette Le Féon. A titre d’exemple, l’UICN manque de données pour 9 des 15 espèces de la famille Andrenidae identifiées à Groix.

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    Colletes fodiens, une espèce observée sur l’île de Groix, fait partie des espèces vulnérables dans la liste rouge de l’UICN. © Jürgen Mangelsdorf

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    C’est sur les plantes de la famille des astéracées qu’ont été réalisées le plus grand nombre d’observations. Ici, Andrena flavipes, une espèce abondante sur l’île. © David Genoud

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    Site de nidification d’une femelle osmie cornue (Osmia cornuta) dans un mur en pierres dans le village du Méné, au nord-est de l’île de Groix, observée en mars 2020. © Violette Le Féon

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    Micro-falaise littorale au sein de la Réserve Naturelle Nationale François Le Bail comprenant de nombreux sites de nidification d’abeilles sauvages. © Violette Le Féon