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Pesticides

Pesticides : un marché juteux pour quatre firmes, un coût pour tous les citoyens

Avec le CCFD-Terre Solidaire et le Basic, POLLINIS publie une étude qui décortique le modèle économique du secteur des pesticides, entre coûts cachés et hyper-concentration. Alors que ce secteur ne profite qu'à une poignée de multinationales agrochimiques, c'est l'ensemble des citoyens qui en assume le coût.

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Date : 30 novembre 2021

Avec 53 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2020, soit deux fois plus qu’il y a 20 ans, le marché mondial des pesticides ne s’est jamais si bien porté. Les agriculteurs européens ont acheté en 2019 pour 12 milliards d’euros de pesticides et l’Union européenne en a exporté pour 5,8 milliards d’euros la même année. Cependant, après avoir évalué les coûts et les bénéfices du secteur des pesticides à l’échelle européenne, POLLINIS, CCFD-Terre Solidaire et le Basic (Bureau d’Analyse Sociétale d’Intérêt Collectif) remettent en question la rationalité économique et sociale de la production et de l’utilisation des pesticides. Et la légitimité du modèle agricole qui en dépend.

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Le marché des pesticides est très rentable pour les quatre multinationales qui se le partagent, mais son coût pour les citoyens est nettement supérieur aux revenus qu’il génère.

Une croissance économique au bénéfice de quatre acteurs

Au fil des fusions-acquisitions, quatre multinationales se partagent aujourd’hui plus des deux tiers du marché des pesticides : Syngenta/Chemchina, Bayer, BASF et Corteva. Hormis la première, propriété l’État chinois après le rachat du suisse Syngenta par l’entreprise d’État ChemChina pour 43 milliards de dollars, les trois autres ont pour point commun d’être en partie détenues par les cinq mêmes fonds d’investissements privés américains : Blackrock, Vanguard, Fidelity, State Street et Capital Group. Des fonds d’investissements qui possèdent par ailleurs entre 10 % et 30 % du capital des leaders mondiaux de l’agroalimentaire (Nestlé, Coca Cola, Pepsi, Mondelez, Unilever, Kellogg etc.).

Ces quatre leaders mondiaux du secteur des pesticides ont aussi développé leurs activités dans les semences agricoles, dont elles détiennent plus de 60 % des parts au niveau mondial. Cette stratégie intégrée leur permet de conserver un forte rentabilité : leurs bénéfices oscillent entre 10 % et 20 % , soit deux fois plus que la moyenne européenne de l’industrie manufacturière.

Mais un coût généralisé pour les citoyens

L’étude publiée par POLLINIS, CCFD-Terre Solidaire et le Basic se concentre sur les coûts réels générés par les pesticides et assumés par la société, qu’il s’agisse des soutiens publics perçus par le secteur ou des dépenses publiques liées aux impacts négatifs des pesticides.

Ainsi, d’après les calculs menés pour l’étude, en France, les dépenses publiques induites par l’utilisation des pesticides (fonctionnement de la réglementation, dépollution de l’eau, soins des maladies du travail…) dépassaient les 372 millions d’euros en 2017.  Cela représente près de deux fois plus que les bénéfices engendrés par ce secteurs, qui se sont  se sont élevés à 211 millions d’euros en 2017. À titre de comparaison, à peine plus (390 millions) a été déboursé au titre des aides bio la même année.

En Europe, les dépenses publiques directement attribuables aux pesticides (émissions de gaz à effet de serre, traitement de l’eau potable, traitement des maladies professionnelles etc.) s’élèveraient à 1,9 milliards d’euros en Europe en 2017, auxquelles s’ajouteraient 390 millions d’euros de soutiens financiers publics accordés au secteur par les États membres (par le biais de subventions directes aux fabricants de pesticides ou de réduction de la TVA sur les pesticides dans 7 États membres etc.). À ces dépenses s’additionnent celles « en partie » attribuables aux pesticides, soit 106 milliards d’euros (soutien public à l’agriculture, traitement des maladies de la population générale, mesures palliatives du traitement de l’eau, mesures de protection de la biodiversité etc.).

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C’est sans compter les coûts sociétaux impossibles à estimer : recherche publique, pertes de vies humaines, effets environnementaux et sanitaires de l’incinération des déchets, consommation d’eau en bouteille par peur des résidus de pesticides, atteinte aux services écosystémiques, plans d’action nationaux pour les pollinisateursPlan pollinisateurs : un manque d’ambition abyssal sur les pesticides, POLLINIS. etc. 

Ces résultats démontrent que la profitabilité du secteur des pesticides en Europe, qui a dégagé 940 millions d’euros de bénéfice en 2017, est rendue possible par les soutiens publics au secteur et la prise en charge collective des dépenses associées aux conséquences négatives de ses activités. 

Un modèle a bout de souffle

À leur introduction dans les cultures, les pesticides de synthèse ont permis de contenir et réduire les risques de pertes agricoles tout en contribuant à répondre aux exigences croissantes de standardisation des matières premières agricoles et de baisse des prix pour les consommateurs. Mais depuis plusieurs années, une stagnation, voire une baisse, des rendements agricoles dans les zones de cultures spécialisées est engendrée par les phénomènes croissants de résistance aux pesticides, la dégradation des sols et de la biodiversité et le changement climatique. De plus, malgré cette recherche constante de gain de productivité, 40 % de la population mondiale continue de faire face à l’insécurité alimentaire, un chiffre qui ne cesse d’augmenter depuis plusieurs années. 

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Si la révolution agricole du XXème siècle a permis à quelques acteurs de s’enrichir de manière croissante, via notamment l’usage massif des pesticides, aucune retombée économique ne profite réellement aux agriculteurs. Alors que le prix final des denrées alimentaires a été multiplié par 5 depuis les années 60, profitant aux fabricants de semences et de pesticides ainsi qu’aux transformateurs et distributeurs agroalimentaires, les agriculteurs n’ont cessé de voir leurs revenus chuter. Pris en étau entre la volatilité des cours mondiaux et la hausse des coûts des intrants, ils dépendent majoritairement des subventions publiques depuis le début des années 2000. Des millions d’emplois agricoles ont aussi été supprimés du fait de la dynamique d’intensification et d’agrandissement des fermes promue par les États et accélérée par la pression économique de la concurrence mondiale.  

Par ailleurs, les effets des pesticides sur la biodiversité (à commencer par les insectes et les pollinisateurs) et la santé humaine ne sont plus à démontrer. Leur responsabilité dans certaines maladies professionnelles agricoles ou touchant des populations riveraines des exploitations commence à être reconnue dans certains pays (comme pour le cas de la maladie de Parkinson, les cancers de la prostate ou les lymphomes non hodgkiniens). 

Du fait de l’essoufflement du modèle qui les enrichit au détriment des citoyens, les multinationales agrochimiques ont adopté deux stratégies. D’un côté, elles s’adonnent à un lobbying massifL’intense lobbying des firmes de l’agrochimie, POLLINIS. auprès des autorités européennes et nationales compétentes en matière de régulation des pesticides (blocage des « tests abeilles »Homologation des pesticides : le massacre autorisé, POLLINIS. , maintien des pesticides les plus nocifs comme les SDHISDHI : une bombe à retardement, POLLINIS. et les néonicotinoïdesPour une interdiction totale des tueurs d’abeilles, POLLINIS.…). De l’autre, elles préparent leur avenir en investissant massivement dans les nouvelles technologies et le génie génétiqueLes nouvelles techniques génomiques, POLLINIS.. Elles cherchent ainsi à passer d’un modèle de fabricants industriels à celui de prestataires de services complets dans le but de retrouver un haut niveau de profitabilité.

Mais ces nouveaux outils en cours d’élaboration génèrent de nouvelles controverses pour l’heure absentes du débat publicLe gouvernement français doit interdire les OGM issus du forçage génétique, POLLINIS. : concentration du pouvoir de la part des acteurs dominants, risques de renforcer la perte d’autonomie des agriculteurs, investissements inabordables pour une grande part des agriculteurs européens, fortes incertitudes sur l’ampleur réelle des gains environnementaux atteignables via ces nouveaux outils…


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