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Pesticides / Tests abeilles

POLLINIS interpelle la Commission sur la révision des « tests abeilles »

Avec trois autres ONG, POLLINIS adresse une lettre ouverte à la Commission européenne pour souligner ses doutes quant aux choix techniques et scientifiques actuels de l’EFSA, l’autorité sanitaire européenne, dans le cadre de la révision des protocoles visant à déterminer la toxicité réelle des pesticides pour les pollinisateurs.

Date : 15 février 2021

POLLINIS et trois autres ONG européennes – Apimondia, BeeLife et Pesticide Action Network (PAN) – ont interpellé la semaine dernière dans une lettre ouverte Frans Timmermans, vice-président exécutif de la Commission européenne, et Stella Kyriakides, commissaire européenne à la Santé. En cause : l’actuelle révision des protocoles censés évaluer l’impact des pesticides sur les pollinisateurs en vue d’obtenir leur homologation.

Les quatre associations dénoncent des choix techniques et scientifiques de l’EFSA, autorité sanitaire européenne, en charge de cette révision, qui pourraient gravement affaiblir les niveaux de protection exigés par la législation européenne pour les abeilles domestiques et les pollinisateurs sauvages. Des critères plus permissifs pour la mise sur le marché des pesticides précipiteraient irrémédiablement la disparition en cours de ces insectes indispensables aux cultures européennes au lieu d’y remédier.

L’EFSA est en train de retravailler sur les « lignes directrices pour les abeilles » qu’elle avait publiées en 2013, au terme d’un processus de mise à jour scientifique, et qui représentaient une avancée majeure pour la protection des pollinisateurs en Europe. Contestées par l’agrochimie – qui craint de voir la commercialisation de nombreux pesticides remise en cause – ces nouveaux « tests abeilles » n’ont jamais été adoptés par les États membres. Pour sortir de ce blocage, la Commission européenne a demandé en 2019 leur « révision ».

Alors que ce processus devrait s’achever au mois de mars, les ONG, qui font partie du comité consultatif de l’EFSA, s’inquiètent de la tournure prise par les discussions lors d’une réunion le 13 janvier dernier. L’EFSA y a exposé sa méthodologie, notamment pour fixer les objectifs de protection des abeilles domestiques et le calcul du seuil de mortalité qui serait considéré comme acceptable pour une colonie d’abeilles sous l’effet d’un pesticide.

Afin de calculer la variabilité naturelle des dimensions des colonies d’abeilles, l’EFSA a mené des simulations avec un modèle appelé « BEEHAVE », un outil de modélisation controversé, cofinancé par l’agrochimiste Syngenta, qui simplifie à outrance la réalité des conditions dans la nature et prend comme base de référence un milieu déjà contaminé par les pesticides. Les résultats de ces simulations ont été vérifiés en les comparant aux données provenant des colonies de contrôle (utilisées dans les tests pour l’homologation des pesticides), des colonies de taille réduite, créées artificiellement de manière standardisée, qui ont peu à voir avec une colonie réelle.

Les ONG rappellent dans leur lettre que le Parlement européen a déjà fait part de son intention de bloquer toute tentative d’affaiblir les niveaux de protection établis dans les lignes directrices de 2013. Elles contestent par ailleurs la position de l’industrie et de certains États membres qui prétendent que ces niveaux de protection impliquent des tests en plein champ  « trop coûteux » et trop compliqués techniquement : cette argumentation suppose qu’il faudrait affaiblir le niveau de protection pour rendre plus simple la réalisation des tests, ce qui n’a aucun sens puisque le but des « tests abeilles » est précisément de garantir la préservation des pollinisateurs. 

Les ONG, qui proposent dans leur courrier des solutions alternatives – comme le recours à un autre modèle en phase finale de développement (ApisRAM) ou de prendre comme tests de référence non pas les tests en plein champ mais ceux en laboratoire ou en serre –, demandent à la Commission de rester ferme sur la priorité à donner à une protection élevée des pollinisateurs, y compris des bourdons et des abeilles solitaires, espèces sauvages sur lesquels les pesticides doivent également être testés mais qui sont peu évoquées dans les discussions en cours, alors même qu’elles sont confrontées à un déclin dramatique à travers l’Europe.

Une nouvelle réunion organisée par la Commission doit se tenir le 23 février pour évoquer les prochaines étapes de la définition des objectifs de protection spécifiques pour les abeilles.