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Question de M. Pascal Martin (Seine-Maritime - UC) publiée le 30/07/2020

M. Pascal Martin attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur une pratique tendant à se généraliser sur le territoire, à savoir la construction de « ruchers usines »
Ces ruchers industriels consistent à implanter dans nos campagnes des ruchers pouvant atteindre 300 colonies d'abeilles, sélectionnées génétiquement et destinées à produire de la gelée royale. Or, les effets de ces « ruchers usines » sur l'environnement pourraient s'avérer désastreux.
En effet, le nombre impressionnant d'individus estimé (plus de 20 millions), la densité de ruches au km2 et la prépondérance de l'espèce hybride dans le milieu, monopolisent l'intégralité des ressources (pollen, nectar) dans un rayon de 3 kilomètres, soit 2 800 hectares.
Les espèces sauvages, les ruchers amateurs ainsi que les professionnels du miel sont directement menacés par la disparition inéluctable des pollinisateurs.
Les abeilles exploitées industriellement ont été obtenues par croisements entre des souches exotiques chinoises et libyennes. Elles ont été ainsi optimisées afin de produire un maximum de gelée royale. Cependant, elles ne produisent pas suffisamment de miel à stocker, de sorte qu'elles dépendent entièrement de l'assistance humaine pour assurer leur subsistance (une ruche est alimentée par 70 kg de sucre biologique).
Ces colonies d'abeilles artificielles produisent de faux bourdons qui vont féconder et transmettre leurs caractéristiques génétiques aux colonies sauvages et domestiques dans un rayon de 15 kilomètres.
Les espèces endémiques et notamment l'abeille noire pourraient ainsi disparaître et surtout s'avérer moins autonomes, devenues après croisement, incapables, à leur tour, de s'alimenter par elles-mêmes.
Ce rayon de 15 kilomètres concerne seulement la première fécondation de reines et a vocation à s'étendre d'année en année, prenant appui sur la dissémination dans la nature des espèces hybrides.
Diminuer la capacité de survie des abeilles, directement ou indirectement, contribue à diminuer la pollinisation qui est vitale pour les productions agricoles comme pour l'ensemble de la biodiversité.
Il lui demande de bien vouloir lui préciser sa position et les actions qu'il entend engager pour interdire l'exploitation de ces « ruchers usines ».

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 10/02/2021

Réponse apportée en séance publique le 09/02/2021

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Martin, auteur de la question n° 1272, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Pascal Martin. Monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question porte sur une pratique tendant à se généraliser sur le territoire national, à savoir la construction de ruchers industriels, dits « ruchers usines ».

Cela consiste à implanter dans nos campagnes des ruchers pouvant atteindre 300 colonies d'abeilles, sélectionnées génétiquement et destinées à produire de la gelée royale. Or les effets de ces « ruchers usines » sur l'environnement pourraient s'avérer désastreux.

En effet, le nombre impressionnant d'individus, estimé à plus de 20 millions, la densité de ruches au kilomètre carré et la prépondérance de l'espèce hybride dans le milieu monopolisent l'intégralité des ressources en pollen et nectar dans un rayon de 3 kilomètres, soit 2 800 hectares.

Les espèces sauvages, les ruchers amateurs, ainsi que les professionnels du miel sont directement menacés par la disparition inéluctable des pollinisateurs.

Les abeilles exploitées industriellement ont été obtenues par croisement entre des souches exotiques chinoises et libyennes. Elles ont été ainsi optimisées afin de produire un maximum de gelée royale. Cependant, elles ne produisent pas suffisamment de miel à stocker, de sorte qu'elles dépendent entièrement de l'assistance humaine pour leur subsistance. Il faut savoir qu'une ruche est alimentée par 70 kilogrammes de sucre bio.

Ces colonies d'abeilles artificielles produisent de faux bourdons qui vont féconder et transmettre leurs caractéristiques génétiques aux colonies sauvages et domestiques dans un rayon de 15 kilomètres. Les espèces endémiques, et notamment l'abeille noire, pourraient ainsi disparaître et surtout s'avérer moins autonomes, car devenues, après croisement, incapables à leur tour de s'alimenter par elles-mêmes. Ce rayon de 15 kilomètres concerne seulement la première fécondation de reines et a vocation à s'étendre d'année en année, prenant appui sur la dissémination dans la nature des espèces hybrides.

Diminuer la capacité de survie des abeilles, directement ou indirectement, contribue à diminuer la pollinisation, qui est vitale pour les productions agricoles comme pour l'ensemble de la biodiversité. Monsieur le ministre, quelle est votre position et quelles sont les actions que vous souhaitez engager pour interdire l'exploitation de ces « ruchers usines » ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le sénateur Pascal Martin, le sujet que vous mettez en avant est très important. Il faut en effet savoir concilier les modes d'élevage ou de culture sans qu'ils viennent se nuire les uns les autres ou impacter la biodiversité dans son ensemble.

Toutefois, je ne suis pas sûr que la solution soit d'interdire les « ruchers usines ». En fait, ils existent depuis la fin des années 1960 et ils sont majoritairement gérés par des apiculteurs de très bon niveau, performants dans la conduite apicole et connaissant très bien leur métier.

On compte aujourd'hui à peu près 125 apiculteurs exerçant cette activité, répartis sur le territoire national, 80 % de ces exploitations étant organisées au sein du groupement des producteurs de gelée royale (GPGR) pour promouvoir la filière, notamment face aux importations, puisqu'elle est très largement déficitaire. En effet, nous produisons à peu près 1 % de notre consommation nationale. À noter que 69 % de cette production est certifiée « Agriculture biologique » et que le nourrissement des colonies en production avec des sirops sucrés n'est pas autorisé, selon le cahier des charges du GPGR et la réglementation relative à l'agriculture biologique.

La taille du cheptel en production est aussi très variable, puisqu'elle peut aller de 1 à 120 colonies sédentaires, cet effectif variant en fonction du niveau d'investissement.

L'enjeu consiste effectivement à garantir le bon état de santé des colonies, la qualité et la quantité des productions, ainsi que le respect de l'écosystème tout autour.

Les professionnels du secteur, aujourd'hui, sont totalement animés par cette exigence de protection environnementale. Ils proposent des environnements adaptés, des ressources susceptibles de répondre à leurs objectifs et aux besoins de la taille de leurs ruchers. À l'instar des apiculteurs spécialisés en production de miel, qui sélectionnent génétiquement sur plusieurs centaines, voire des milliers de colonies des lignées capables d'atteindre leur but, il est assez normal que les producteurs de gelée royale utilisent eux aussi cette sélection d'espèces. C'est d'ailleurs propre à tout type d'élevage, quelle que soit sa structure.

Aujourd'hui, s'agissant du brassage génétique entre espèces et sous-espèces d'abeilles et de la notion de concurrence pour la ressource alimentaire,…

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre. Je termine, madame la présidente.

Je pense que ces questions ne sont pas spécifiquement liées à la présence de colonies produisant spécifiquement de la gelée royale, mais qu'elles concernent bien l'ensemble des espèces d'abeilles. Juste un chiffre pour terminer : on recense 62 445 apiculteurs pour 1,584 million de colonies, mais ils ne sont que 160 à être concernés par la gelée royale.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Martin, pour la réplique.

M. Pascal Martin. Je vous remercie, monsieur le ministre. Je voulais simplement insister sur l'inquiétude légitime d'une bonne partie de la filière apicole. À mes yeux, il conviendrait d'engager une étude environnementale sur les conséquences de la multiplication de ces « ruchers usines ». Enfin, il m'apparaît nécessaire de renforcer l'information des consommateurs.

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